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27 novembre 2008 4 27 /11 /novembre /2008 16:17


  

Je tombe, peut-être pas tout à fait au hasard, lors de mes gambades sur le net, je tombe, disais-je sur l'interrogation d'un monsieur qui se demande s'il est vrai que les ruptures amoureuses adviennent fatalement au bout de sept années ou d'un multiple de sept années. J'ai cru comprendre que cette interrogation s'était présentée lui à la suite d'une rupture sentimentale survenue au bout de sept années de vie partagée.

Qu'en est-il ?

Qu'il me soit permis de jeter un voile pudique sur ma propre et très insignifiante existence. Peut-être me suis-je moi aussi, une fois ou l'autre, posé cette même question. Cela ne changerait rien à l'affaire. Celui qui aspire à la sagesse doit se garder de ne porter son regard que sur les choses qui le touchent de près.

 

Tout d'abord, voulez-vous, quelques remarques préliminaires sur le chiffre 7.

Si je ne me méfiais pas comme de la peste de la cuistrerie, je poserais à mon putatif lecteur la question suivante : 7, chiffre ou nombre ?

Je me la pose donc à moi-même.

Les chiffres sont, dans notre toute puissante civilisation au nombre de 10, tandis que les nombres sont indénombrables (coquetterie stylistique : finasserie cliquante!). On me répondra que les chiffres sont aussi des nombres. Ce à quoi je souscris d'autant plus volontiers qu'il ne s'agit pas d'une opinion mais d'un fait positif. Sauf que dans le cas présent cela n'est peut-être pas aussi évident qu'il y paraît. Pourquoi ? Simplement parce que nous ne sommes pas dans le domaine mathématique, mais magique.

Magique ?! S'exclamera peut-être mon lecteur, se demandant si je ne sombre pas dans quelque inquiétant délire. Rassure-toi, lecteur, je garde les pieds sur terre. Si je parle de magie c'est que chiffres et nombres n'ont pas le même rapport à la superstition. Le nombre est assez imperméable à l'incorrigible soif que nous autres, pauvres humains, avons de réponses magiques aux choses. Oh, je sais bien que certains malheureux très très mal dans leur peau et plus mal encore dans leurs têtes attachent une puissance tout particulièrement maléfique au nombre 666 dans lequel ils voient la signature du Malin. Je sais bien qu'une formule telle que “de 7 à 77 ans” connaît un succès durable, je sais bien qu'on aime parler de 99,99 % de probabilité pour annoncer une certitude absolue. J'ai connu un doux obsédé du Nombre d'Or qui grimpait sur des échafaudages  branlants pour mesurer les églises romanes en long en large et en hauteur, mais vraiment ce ne sont que des phénomènes marginaux. Si l'on regarde d'ailleurs les exemples de nombres que je viens de donner on voit que les trois premiers sont des enfilades du même chiffre. Quant au nombre d'or, ce n'est pas un nombre, mais une proportion.

Ceci dit, on m'objectera sans doute qu'un nombre et une proportion sont la même chose ou peu s'en faut. Cela veut dire qu'on peut convertir toute fraction en nombre et réciproquement. Justement : les  chiffres sont bien autre chose si je prends 2 comme nombre je peux dire que c'est 2/1, si je prends 3 comme nombre je peux dire que c'est la même chose que 9/3, par contre si je prends 2 ou 3 en tant que chiffres ils sont aussi les lettres d'un alphabet de 10 lettres et la pensée magique, toujours tapie derrière notre belle pensée rationnelle, se complaît dans leur contemplation. Un chiffre comme le 7 – nous y voilà- tient une place particulière, ne me demandez pas trop pourquoi, je pourrais m'amuser à avancer quelques hypothèses là-dessus, je le ferai peut-être, mais nous nous éloignerions trop de notre sujet et risquerions de nous enliser dans des considérations oiseuses.

Il y a des chiffres comme ça : le 1, le 3, le 7 qui semblent signifier quelque chose. Je sais ce qu'on me dira : ce sont des nombres premiers et en tant que tels ils intriguent, comme le 13 ou même le 17 auquel  dans certains pays on attribue les mêmes propriétés qu'au 13. Certes, certes, mais le 5 aussi est un nombre premier, et le 11 auxquels on n'attache pas plus d'importance que cela. Le 11 fait piètre figure à côté du 12 dans nos rapports affectifs aux nombres. Pour faire bref, le 7 apparaît comme quelque chose de... comment dire ? D'incontournable. Oh ! Je sais cet adjectif est un peu trop à la mode, mais ici il ne me semble aller pas trop mal. Le 7 semble former un tout. Je sens ces choses obscurément sans trop savoir les expliquer. Cela doit tenir à quelque limite de nos structures neuronales. J'en suis de plus en plus convaincu.

 

Tout ceci, ce préambule un peu bancal, pour dire qu'il ne faut pas ignorer cet aspect très particulier du chiffre 7 lorsqu'on s'interroge sur les fondements scientifiques d'une physiologie des rapports sentimentaux.

J'ai perçu, dans la façon dont le pauvre délaissé posait la question -car à le lire on comprenait bien que la rupture lui avait été douloureusement infligée-  on comprenait qu'il se demandait s'il y avait une fatalité biologique à ce qui lui arrivait.

Il faut le comprendre:

Je t'aime, Je t'aime, Je t'aime, Je t'aime, Je t'aime, Je t'aime, Je t'aime, Je t'aime, Je t'aime, Je t'aime,

(Oh ! Volupté du copié-collé!) Je t'aime, Je t'aime, Je t'aime, Je t'aime, (ad libitum) pendant 7 ans, et les tendresses, et les attentions gentilles, et les petits cadeaux, et les gros, et les gâteries de toutes sortes, et puis un beau jour : Je ne t'aime plus.

On comprend le désarroi du bonhomme.

Avoir été tout et n'être plus rien.

Ce sont des choses qui peuvent vous conduire à vous poser quelques questions dont celle qui nous préoccupe aujourd'hui.

 

Si on a l'esprit compliqué et peu d'expérience en la matière on se lance dans d'interminables et torturantes considérations où peuvent se glisser deux monstres hideux : le sentiment de culpabilité et la haine. Tous deux trouvent d'infinis aliments et peuvent vous ronger indéfiniment. Certains y trouvent un sens nouveau à leur existence.

D'autres, sans doute conscients de ce double piège, tentent de se placer à un autre niveau et veulent  comprendre ce qui s'est passé, depuis le début, depuis que deux vies se sont accolées mystérieusement.

Il y a la veine psychanalytique qui s'en va farfouiller dans les tréfonds de l'histoire personnelle et familiale dans l'espoir de dénouer l'écheveau embrouillé des parcours affectifs, sans jamais avoir fait la preuve de son efficacité en matière de guérison des chagrins d'amour. Je ne me permettrai pas de dire c'est bien ou c'est mal. La démarche commence à être datée. Elle a un petit relent archaïque, comme les meubles des parents ou des grands-parents, les papiers peints des années 50. Cela fait partie de son charme.

Depuis quelques temps, dix, quinze, vingt ans, peut-être un peu plus, s'est fait jour un nouveau type d'approche. Depuis qu'on s'est familiarisé avec l'existence des phéromones, et depuis que la génétique a réussi à pénétrer très très  avant dans les éléments les plus petits qui la constituent (jusqu'à ce qu'on en découvre d'autres plus petits encore), on a découvert de nouvelles fatalités. Aujourd'hui on piège certains insectes dont on veut se débarrasser sans user d'insecticides en les attirant par la simple odeur -appelons cela ainsi- de leurs partenaires sexuels. Et on lit dans des livres savants auxquels on fait confiance, que mêmes nous, humains, ne choisissons pas nos partenaires autrement que la première mouche venue : au pif. Figurez-vous, lecteur : Roméo et Juliette, Tristan et Isolde et qui il vous plaira de citer comme exemple de la passion amoureuse, ramenés à cette simple donnée : le pif, avec, par derrière tout cela, si j'en crois ce que j'ai lu, des questions d'efficacité dans le grand jeu des combinaisons de gènes. La passion la plus passionnelle ramenée à cela : la reconnaissance du patrimoine génétique le plus favorable à une bonne diversification des combinaisons d'ADN pour le plus grand profit d'on ne sait quel projet où Dieu semble se réduire à la loi tyrannique de la colonisation génétique. J'ai lu cela, je l'ai entendu dans la bouche de personnes dont je n'ai aucune raison de douter.

Horreur ! Et notre liberté, notre chère liberté dans tout cela ?  Si l'autre est vraiment l'autre moitié d'un assemblage fonctionnel n'ayant d'autre raison que son potentiel productif ? J'ai lu aussi, que, dans cette logique génétique, le papillonnage était la règle : partager ses gènes ne suffit pas, encore faut-il les partager avec le plus d'autres compatibles possibles. La diversité ! La diversité ! Semble crier dame Nature, combinez, mes enfants, combinez !

La fidélité irait-elle à l'encontre de la Nature ?

Pourquoi alors l'aurions-nous autant ancrée dans nos aspirations ?

Peut-être simplement parce que le petit de l'homme étant ce qu'il est, si fragile si longtemps -c'est là sans doute le prix à payer pour notre beau cerveau – sa survie est liée, comme pour beaucoup d'oiseaux, aux soins de ses deux géniteurs, le temps au moins qu'il puisse survivre seul ce qui implique un attachement de papa et maman entre eux. Alors est-il peut-être inscrit dans nos gènes, notre petit programme personnel, que papa se laisse attendrir par sa progéniture, qu'il y attache de l'importance au lieu de se contenter de déposer la petites graine et qu'il reste suffisamment attaché à maman pour qu'à eux deux ils parviennent à maintenir le petit en vie le temps qu'il soit capable de voler de ses propres ailes. S'il en arrive d'autres (petits) entre temps le processus se prolonge et ça peut durer toute une vie surtout si celle-ci est brève, comme c'était le cas dans des époques pas si lointaines et comme c'est toujours le cas dans des sociétés moins chanceuses (si on ose dire !). La famille est-elle autre-chose qu'une assurance vie, surtout pour les petits, c'est à dire pour la relève ? Sauf que... - car il y a un sauf que – sauf que l'homme est un animal culturel, il possède cette spécificité qu'on appelle culture et qui conduit les sociétés humaines à évoluer dans des directions différentes. Ainsi celle dans laquelle nous baignons a-t-elle mis au point la notion de progrès qui est loin d'être universelle et qui nous a conduit à un développement extraordinaire dans le domaine des techniques de toutes sortes avec pour résultat une amélioration considérable des conditions de vie matérielles. (Pour les autres je ne sais pas). Résultat : on vit plus longtemps, on peut n'avoir que les enfants qu'on désire avoir et on peut même les élever seul(e).  Ce qui autrefois ou ailleurs conduisait au drame : être enfant (ou faible) et ne pas avoir la moindre famille, ou même être une femme seule avec un ou plusieurs enfants, est devenu aujourd'hui une situation courante, certes compliquée et stressante, mais courante. C'est que désormais papa peut reprendre sa liberté ou maman le virer sans que les petits ne disparaissent. La paternité subit de plein fouet le contrecoup de ces nouveautés, le père peut se contenter d'être géniteur. Il peut même être anonyme et se réduire à quelques paillettes de sperme congelé. La société veille encore à ce qu'il assume ses fonctions paternelles minimales c'est à dire, dans sa logique, financières. Faute de mieux il contribue, de par la loi, à l'entretien de sa progéniture. Belle hypocrisie et formule étrange que celle de “famille monoparentale”.

Cela veut dire que dans notre société les femmes et les hommes, libérés de la pression des nécessités de survie immédiate, se retrouvent libres d'obéir à leurs instincts archaïques. Et ces instincts archaïques ne sont jamais que la soumission à ce dont je parlais plus haut : la tyrannie du brassage génétique.

Qu'est-ce que cela signifie ?

Cela signifie que maman n'a pas du tout besoin d'aimer papa toute sa vie et que papa n'a pas besoin d'aimer maman pour l'éternité. Pour maman il lui suffit de trouver le fournisseur de gamètes le plus approprié (au pif) et faire en sorte qu'il les dépose là où il faut. Quant à papa, son petit programme interne le pousse à semer à tout vent, à déposer sa petite graine partout où il le peut. En gros et pour être terriblement cynique les femmes veulent des bébés et les hommes veulent baiser : retombée inattendue du confort matériel.

Dans Le Guépard Giorgio Tommasi di Lampedusa use d'une formule qui devrait être méditée, il dit, parlant d'un jeune couple, qu'ils étaient amoureux mais qu'ils ne s'aimaient pas. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus. Je crois qu'il a raison, on peut-être amoureux, c'est à dire éprouver une attirance irrésistible envers une personne, ne penser qu'à elle jour et nuit, éprouver de la douleur à son absence et du bonheur en sa présence et ne pas l'aimer. La preuve ? Que de fois n'avons nous pas entendu, vous et moi, cher lecteur, un ou une qui, parlant de son ex, s'excuse en disant “que veux-tu ? J'étais amoureux !” Observe, ô lecteur, celui-là ou celle-là ne dit jamais “je l'aimais”. C'est que l'état d'amoureux est un état transitoire.

Cela ne signifie pas qu'il soit mensonger. Bien au contraire, il peut même se faire passionnel c'est à dire totalement envahissant et voluptueux lorsqu'il y a réciprocité. Dieu que cela est bon ! (Pardon!)

On peut être amoureux fou. C'est le mot exact. La raison ne vaut plus, la seule chose qui compte c'est la fusion qui n'est autre, je le crains, que la fusion des ADN. On ne voit plus l'autre comme il est, le monde comme il se présente. Allez savoir quels déchaînements hormonaux, quels cataclysmes biochimiques explosent dans nos synapses ? Il faut bien cela pour que nous fassions des bébés. Nous n'avons même pas besoin d'enfants pour nos vieux jours. La raison nous dicterait de n'en pas faire. Il faut bien que nos cerveaux se convainquent de la beauté de la fusion. Il faut bien  qu'on se laisse prendre au mirage de l'âme soeur. Et c'est bon. C'est bon parce que la Nature nous récompense de nous abandonner à ses impératifs.

Mais, une fois que cela est fait, une fois qu'on a semé et semé et semé jusqu'à germination, alors la Nature a son compte et, si j'en crois ce que j'ai lu sous la plume de gens dont c'est le métier, ce que veut alors Dame Nature, c'est que monsieur et madame diversifient leurs accouplements. Et alors, monsieur commence à se sentir moins amoureux et à lorgner d'autres créatures en quête de copulateurs, tandis que madame prise par le lourd poids et l'attachement viscéral à ses petits peut concevoir de licencier monsieur dont elle n'est plus autant amoureuse (“je ne sais plus où j'en suis”) et garder l'exclusivité de la progéniture en attendant que de nouveaux déchaînements hormonaux la fasse renifler du côté de mâles en errance et déshérence. Ainsi monsieur peut-il espérer refaire sa vie et madame de même.

On recompose.

S'ajoute à cela le fait que plus une relation est passionnelle, c'est à dire, sans doute obéissante à ce qu'il il y de plus immédiatement instinctif, et plus elle contient en elle les germes de la rupture. Je m'explique : le propre de la passion c'est son côté paroxystique, or le paroxysme ne peut durer. On ne retrouve jamais les sensations flamboyantes des premiers temps alors qu'on découvre l'autre et qu'on en est ébloui. On a beau faire : la passion est liée à la découverte et la découverte n'est qu'un instant. Les choses retombent forcément (oui, je sais...). La fréquentation émousse les perceptions. Cela ne dépend pas de la volonté. C'est ainsi. Voilà pourquoi la passion laisse toujours la nostalgie d'elle-même, celle des palpitations premières que nul ne peut commander. Si bien que lorsque la Nature ayant obtenu de la passion les fruits qu'elle en attendait  et que son goût pour la diversification des combinaisons génétiques commence à se faire sentir et à suggérer sournoisement à monsieur que d'autres réceptacles appétissants sont prêts à accueillir le meilleur de lui-même et à madame que monsieur n'a plus d'utilité et qu'il convient d'en rester là ou de renouveler le fournisseur, l'un et l'autre vont sentir l'aiguillon de la nostalgie de la passion les titiller. La psychologie humaine est ainsi faite que les alibis ne manquent pas pour renier le passé et s'inventer des avenirs possibles. On est psychologiquement disponible à tomber amoureux à nouveau en se racontant qu'on ne savait pas trop ce qu'on faisait avec le précédent ou la précédente, on se trouve des excuses : la jeunesse, la naïveté, le milieu, le désir de fuir ceci ou cela, que sais-je ? On se raconte, oui, qu'on était amoureux mais bêtement, que l'autre ne se montrait pas sous son vrai jour, qu'il ou elle avait changé, bref tout ce qui fait le fonds de commerce des courriers du coeur de tous acabits.

Voilà comment le grand amour un beau jour vire au vinaigre et comment ce qui devait durer toute une vie cesse au bout de... et c'est là que nous revenons à mes considérations préliminaires sur le chiffre 7. La septième année d'une relation amoureuse correspond-elle à cette étape ? Est-elle l'année de tous les dangers ? Je ne peux m'empêcher de remarquer que la tradition veut que 7 ans pour un enfant soit l'âge de raison, c'est à dire le moment où on peut lui parler comme à un grand. D'où vient cette idée ? Sans doute de très loin. Cet “âge de raison” ne serait-il pas celui où l'enfant possède sinon la force de survivre seul, du moins celle de ne plus dépendre immédiatement des soins de ses parents ? Il fait le deuil de ses dents de lait, il a cessé d'être un bébé sur lequel il faut veiller sans cesse, il intègre la vie sociale et commence à avoir une intimité qu'il ne partage plus avec ses parents mais avec ses copains et ses copines. Bref, la question que je me pose est la suivante : n'y-a-t-il pas une relation entre les deux choses : le temps que dure une relation amoureuse et le temps qu'il faut à un petit d'homme pour commencer à voler de ses propres ailes ? Je n'ai pas la réponse, mais ce n'est pas une raison pour ne pas poser la question. J'avoue avoir du mal à croire que la durée d'une relation amoureuse corresponde à 7 circonvolutions de la terre autour du soleil, comme si notre intimité affective était en rapport direct avec les astres, ce à quoi je ne crois absolument pas. Comme je le notais plus haut je crois plutôt que le chiffre 7 est bien placé dans l'imaginaire numérologique pour symboliser un tout cyclique. Peut-être n'en faut-il pas plus pour que la durée biologique d'une passion amoureuse, s'il est vrai, comme je tends à le croire, qu'elle est en étroite liaison avec des impératifs génétiques, soit en rapport avec le temps de maturation d'un enfant jusqu'à son âge de raison. Que cela corresponde pile poil à 7 années systématiquement serait encore à prouver, mais que l'observation quotidienne remarque la fréquence des ruptures dans ces eaux-là on ne peut le nier. Il ne faut sans doute pas prendre ce chiffre de 7 au pied de la lettre, ce ne sont certainement pas 7 x 365 jours, convertibles à leur tour en heures, minutes et tout ce que l'on voudra. Ce sont 7 années symboliques et imprécises que, si on y tient, on peut faire coïncider avec 7 vraies années et qui représentent simplement le temps qu'il faut pour qu'un cycle de cet ordre de grandeur s'achève.

En réalité on se trouve encore une fois devant cette notion de seuil sur laquelle je ne cesse de buter. Tout est joué depuis le début. La rupture commence dès le premier instant. Elle est consommée d'avance. Elle peut même, nouveau paradoxe, se prolonger toute une vie. Pour qu'elle soit il suffit de considérer qu'elle est. L'esprit humain aime bien croire que ce n'est pas lui qui crée les seuils mais qu'ils lui préexistent et que lui se contente de les franchir ou non. Aussi se dire qu'il existe un seuil au terme de 7 années peut-il être intellectuellement commode. Qui sait si le seul fait de croire en l'existence de ce terme de 7 années ne sert pas de déclencheur à la rupture? Qui sait si cette croyance ne retarde pas ou n'accélère pas le moment où se prend la décision. Il est des choses qui arrivent quand on les pense, surtout dans le domaine psychologique.

 

Je pourrais m'en tenir à cela, mais l'honnêteté intellectuelle m'oblige à soulever une ou deux objections qui me traversent l'esprit.

Tout repose dans mes laborieux échafaudages sur l'idée que tout, dans les relations amoureuses, et en dépit de tous les beaux discours sur l'Amour, est gouverné par une sorte de productivisme génétique. Se pose alors la question des situations amoureuses dans lesquelles elle est, d'entrée de jeu mise, sur la touche. Qu'advient-il par exemple en cas de stérilité ? Si les mécanismes naturels étaient si efficacement utilitaristes jamais une femme ne devrait, au pif, éprouver la moindre attirance pour un monsieur stérile et réciproquement. Et jamais un monsieur ne devrait tomber amoureux d'un autre monsieur ni une dame d'une autre dame. Or depuis que le monde est monde, il y a des hommes et des femmes qui n'auront jamais de descendance, et il y a des gens qui tombent amoureux d'une personne du même sexe. Il faut se rendre à l'évidence et c'est une chose monstrueuse que de les persécuter pour cette raison. C'est même d'une main tremblante que j'écris ces choses de peur d'alimenter quelque fanatisme qui me révulse. Je suis terrifié à l'idée que les persécutions odieuses qui ont frappé et frappent encore ces hommes et ces femmes se fondent sur la conviction qu'il existe un crime de lèse-Nature. Comme si la stérilité ou l'homosexualité n'étaient pas le fait de la Nature elle-même !

On l'aura compris ma crainte que nous ne soyons manipulés par des raisons qui nous dépassent et que j'appelle “Nature” se double d'une révolte contre cette idée. Même si cela est vrai une part de moi se refuse à collaborer. Car c'est bien l'état d'esprit des fanatiques persécuteurs : la collaboration avec ce qu'ils pensent être la puissance. Ils pensent être au service de cette puissance et exaucer, voire aller au-devant, de ses exigences, et cela, notez-le bien, dans l'espoir hideux d'en être récompensés. Quelle mentalité ! Et surtout quelle prétention ridicule ! Que savent-ils des desseins ultimes ? Les deux cas que je viens de citer devraient au contraire inviter à la modération. Ils apportent la preuve que les choses sont plus complexes qu'il n'y paraît. Les amours sans espoir de fusion génétique sont-elles moins intenses que les autres ? Certainement pas! Durent-elles plus longtemps ? Je ne crois pas non plus. Cela veut dire simplement que les mécanismes ne sont pas aussi sommaires que cela et que peuvent se présenter des cas de figure alternatifs qui, si on considère la Nature comme parfaite, ont leur raison d'être. Il n'y a pas contradiction entre l'hypothèse d'un utilitarisme génétique, et plus généralement vital, et l'existence de cas de figure où ces mêmes mécanismes semblent détournés. On sait depuis Darwin que les détournements sont un des éléments fondamentaux dans la plasticité vitale. Cela ne se fait pas sans contradictions apparente au sein des productions de la Nature elle-même. Qu'il y ait contradiction entre les impératifs génétiques dont je parlais plus haut et l'existence de relations amoureuses là où logiquement elles ne devraient pas apparaître, cela ne fait problème que pour les esprits technocratiques qui ne conçoivent les choses que bien rangées dans les petites cases qu'eux-mêmes ont laborieusement inventées et qu'ils croient universelles. Cela ne change rien à la question de départ : est-il vrai que l'an 7 d'une relation amoureuse est celui de tous les dangers ?

 

         Bien sûr que c'est vrai…

         …Si ce que j'ai exposé plus haut et à quoi je crois de plus en plus est vrai.

 

Je pourrais en rester là. Mais demeure une ultime question : le fait de savoir ces choses peut-il en changer le cours ?

 

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